RETOUR AUX SOURCES

carnet de voyage
extrait numéro 1

Première sensation. Simple et évidente. Celle de se retrouver en apesanteur entre ciel, terre et mer. 
Toute petite là. Reprendre la mesure de mon être vulnérable face à ces éléments sauvages et primitifs. 
Et pourtant me sentir à ma place dans cette immensité infinie. 
Moorea, baie de Vaiare, Polynésie Française.

Le vent se lève et le jour s’assombrit.
Les nuages s’entremêlent dans une danse fugace.
S’épaississent, grandissent, se chargent de la noirceur de leur frénésie.
Le lagon s’agite et se débat de sa tourmente.

Au loin sur l’horizon, juste encore un peu de lumière pour se rappeler que tout n’est que passager.

Quand le grain fait rage, le monde s’agite. Tout devient refuge et abri le temps que la tourmente se calme. Il n’y a rien à y faire.


Rien, sauf d’observer la beauté de la colère des cieux. Mesurer la fragilité de la sérénité qui régnait quelques heures auparavant. Constater la fougue de la tourmente sur la surface de l’eau. Garder à l’esprit que tout ne tient qu’à une ancre accrochée dans quelques centimètres de sable. Percevoir le mouvement de la chaîne qui se tend un peu plus à chaque fois. Ecouter le vent faire siffler le bateau. Sentir la puissance des rafales qui font vibrer les coques. 


En quelques secondes, revenir à la raison. La mer est un habitat hostile .

Ce que j’aime par-dessus tout dans le fait de plonger mon regard dans la mer, c’est tenter de saisir comment elle puise avec subtilité sa beauté dans ce qui l’entoure. 


Ce qu’il y a au-dessus d’elle, en dessous, ce qui la contient et ce qu’elle bouscule sans scrupule. La couleur du ciel, les reflets du soleil, les teintes de la montagne, la douceur des nuages. 


Vouée à changer perpétuellement, elle est en mouvement constant. Modelée au rythme des vents et marées. Modelant le paysage de ses troublants changements. 

Vouée et dévouée à peindre à chaque seconde une œuvre différente. 


Jamais la même. Toujours elle-même.